« Quoiqu’il en coûte !!! » cette expression aura été le mantra du gouvernement depuis mars 2020 pour soutenir les secteurs les plus durement touchés par la crise sanitaire : industrie automobile, aéronautique, tourisme, restauration, culture…

Mais que se cache-t-il réellement derrière cette doctrine ? En avril dernier, le ministère des comptes publics avait établi une projection faisant état d’un coût global potentiel de plus de 400 milliards d’euros entre 2020 et 2022.

Selon un rapport de la Cour des comptes publié en juin, le déficit public représente désormais 9% du PIB lorsque dans le même temps la dette publique s’élève à 117% du PIB. Selon l’institution, le seul retour de la croissance ne permettrait pas lui seule d’infléchir durablement cette tendance.

C’est dans ce contexte économique et social très tendu, que la maîtrise renforcée des dépenses publiques redevient un enjeu majeur, et les collectivités territoriales n’échappent pas à cette règle…

Dès lors, réaliser des économies c’est bien mais aller chercher une manne financière nouvelle c’est encore mieux !!

En l’espèce, les DSP (Délégations de Services Publics) et les contrats assimilés constituent une solution réelle et immédiate pour aller chercher des ressources financières nouvelles.

Qu’est-ce qu’une DSP ? Un contrat par lequel une personne morale de droit public (le délégant) confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un opérateur privé (le délégataire), dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service.

Ces contrats se retrouvent souvent pour des services de la vie quotidienne. Gestion de l’eau et de l’assainissement, transport collectif de personnes, ramassage des ordures ménagères, gestion de piscines municipales, de salles de spectacles, de fourrières automobiles, autant d’exemples d’activités dont le mode de gestion est celui de la DSP.

Mais comment concrètement ces contrats peuvent-ils rapporter gros aux Collectivités ?

Ces contrats sont conclus pour une durée importante et portent sur des sommes dont les montants oscillent entre centaines de milliers et plusieurs millions d’euros. Dans l’élaboration et la construction du contrat, les collectivités disposent des compétences nécessaires. En revanche il en va tout autrement dans le suivi annuel de la délégation.

Ce suivi se réalise notamment au travers de l’étude des rapports d’activités du délégataire. Et il convient évidemment de contrôler les informations financières et extra-financières figurant dans ces rapports.

Que remarque-t-on ? 3 constantes :

  • Les informations contenues dans les rapports d’activités sont bien souvent incomplètes
  • Du pilotage de résultat est opéré par les délégataires afin de minimiser les sommes à reverser
  • Les collectivités font face à des difficultés importantes pour l’analyse et le suivi des aspects financiers du contrat

Asymétrie d’information – minimisation des sommes à reverser – suivi inexistant ou inopérant : Ces trois facteurs conduisent inexorablement à une problématique récurrente et largement répandue : une perte importante de ressources financières pour les Collectivités Locales.

Des exemples concrets ?

  • 800 K€ de manque à gagner à cause d’une non refacturation des cotisations retraite du personnel détaché sur toute la durée d’un contrat de 8 ans.
  • 65 K€ de manque à gagner suite à une erreur sur un intéressement variable annuel reversé par le délégataire au délégant
  • 165 K€ de manque à gagner pour non facturation de redevances d’occupation du domaine public sur toute la durée d’un contrat de 7 ans

 Et il ne s’agit là que de quelques exemples. D’autres points financiers clefs constituent autant de manques à gagner et méritent une attention toute particulière :

  • Investissements
  • Subventions versées par la collectivité
  • Provisions GER (Gros Entretien et Renouvellement)
  • Redevances fixes
  • Intéressement du délégant
  • Compte d’Exploitation Prévisionnel

Tous ces points constituent autant de zones de risques financières et de manques à gagner potentiels. Selon la nature du contrat et les obligations financières qui en découlent, la mise en place d’une procédure minutieuse de contrôle est le seul outil puissant d’aide à la gestion. Celle-ci permet d’une part de récupérer de manière rétroactive des fonds publics injustement perdus, et d’autre part de s’assurer de l’absence de perte de ressources pour le futur.

Vous l’aurez compris, les sommes en jeu représentent des montants très significatifs. A l’heure de la restriction budgétaire et de la volonté d’une gestion des fonds publics plus responsable, le suivi des DSP est une opportunité rare et au fond évidente à saisir pour les collectivités : celle d’une manne financière nouvelle et inattendue permettant un avenir collectif plus serein.

Dans un environnement complexe et en transformation, dans lequel l’information n’a jamais été aussi abondante ni aussi rapide dans sa circulation, obtenir une information de qualité devient une nécessité primordiale.

La qualité de l’information peut être appréhendée à travers trois critères :

  • Fiabilité : l’information est-elle vraie, fiable ?
  • Validité : l’information est-elle précise, l’auteur de l’information est-il identifiable, sait-il de quoi il parle ?
  • Pertinence : l’information répond-t-elle à notre besoin, est-elle adaptée au niveau de nos attentes ?

Maîtriser la qualité de l’information financière en même temps que son risque

Une information de qualité constitue de facto un avantage concurrentiel essentiel d’aide à la décision. Détenir cette information, c’est l’assurance d’être en capacité de pouvoir planifier, anticiper, prévoir et contrôler des situations pouvant se révéler source de tensions.

La maîtrise de cette information est donc devenue un enjeu majeur pour tous les acteurs économiques, et les collectivités territoriales n’échappent pas à cette règle…

Dans le cadre des contrats de délégations de service public et des contrats assimilés (exploitation et prestations de services) les collectivités confient la gestion d’un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation, en contrepartie soit du droit d’exploiter le service soit d’une rémunération.

En confiant la gestion d’un service public à un opérateur extérieur, les collectivités ont donc l’obligation morale, à l’égard de leurs administrés, d’assurer le suivi du bon déroulement du service, tant sur le plan de l’exploitation que sur le plan financier.

Au regard de la complexité, de la durée et des sommes engagées dans le cadre de ces contrats, il est impératif pour les collectivités de disposer d’une information totale, claire, régulière, limpide et non biaisée afin de pouvoir exercer pleinement ce devoir de contrôle.

Cet impératif d’information se traduit très concrètement pour les délégataires par une obligation de transmettre, au plus tard le 1er juin de chaque année, un rapport d’activité de l’année écoulée. Ce rapport, dont le contenu est légalement et contractuellement prévu, présente d’une part les activités liées à l’exploitation du service délégué et d’autre part les éléments financiers attachés à cette exploitation.

Il convient malheureusement de constater, que dans de très nombreux cas, l’information financière transmise est insuffisante pour permettre aux collectivités d’assurer le suivi financier du contrat. Cette information est bien souvent incomplète voire erronée, et engendre une asymétrie forte d’information au détriment de l’institution publique.

C’est pourquoi il nous parait impératif, afin de compenser cette asymétrie, que ces rapports soient validés par un professionnel, expert de ce type d’activité.

Le chemin de fer d’un rapport d’activité exemplaire

Le rapport d’activité doit à minima comporter les éléments financiers suivants :

  • Un compte-rendu financier de l’exercice écoulé,
  • Un bilan et un compte de résultat de la structure,
  • Un commentaire sur l’évolution de tous les postes de dépenses et de recettes par rapport à l’année précédente,
  • Une note justifiant des écarts avec les comptes prévisionnels,
  • En cas d’obligation d’investissement pour le délégataire, un compte-rendu financier des charges liées aux investissements,
  • En cas d’obligation de gros entretien et de renouvellement pour le délégataire, un état de la dotation de renouvellement et des dépenses effectives de renouvellement,
  • Un détail précis des prix pratiqués concernant l’activité déléguée par la collectivité,
  • Le cas échéant, les postes faisant l’objet d’une répartition de charges entre plusieurs exploitations,
  • Un prévisionnel d’activité pour l’année N+1.

Seule la présence de chacun des éléments financiers cités ci-dessus garantit à la collectivité d’être en capacité d’exercer son pouvoir de contrôle. En l’absence de ces éléments, la collectivité ne dispose pas de l’information nécessaire pour s’assurer notamment :

  • Que les chiffres communiqués correspondent bien à la réalité des chiffres déclarés,
  • Du respect des montants figurant dans le CEP,
  • Que le délégataire respecte bien ses obligations financières contractuelle à l’égard du délégant notamment au regard des redevances et de l’intéressement,
  • Que les tarifs pratiqués auprès des usagers sont conformes à la convention,
  • Que le délégataire respecte ses obligations d’investissements et d’entretien des ouvrages.

Il convient cependant de préciser ici que la complexité liée à la gestion de ces contrats peut emporter la tentation de trous dans la raquette de l’information financière transmise par les délégataires.

Pour autant, au vu des sommes qui sont en jeu et qui sont dans certains cas perdues au détriment de l’institution publique, un délégataire qui se veut irréprochable n’a à priori aucune raison de ne pas transmettre de lui-même l’intégralité de l’information qui lui est demandée.

Le contrôle de l’information financière transmise dans les rapports d’activités représente donc un enjeu réel pour les collectivités.

Ce contrôle est d’autant plus intéressant à mettre en œuvre dans le contexte économique et budgétaire contraint des collectivités publiques, puisqu’il s’avère être souvent synonyme de ressources financières nouvelles et inattendues.